Le martèlement féroce de l'acier qui percute la pierre, le crépitement de l'eau glacée venant danser sur le fer: ce sont des bruits auxquels le forgeron s'était depuis longtemps habitué, pour ne pas dire familiarisé puisqu'ils faisaient partie intégrante de chacune de ses journées. Sa monture un peu plus loin venait de botter pour la cinquième fois d'affilé le fragile portique de bois. Le Calusa releva ses yeux et aperçu un sourire aux lèvres la bête, l'encolure dans l'empattement de la porte, retroussant ses lèvres en un rictus désopilant. Le forgeron laissa choir sur son établi la masse et vint poser une main lourde sur le nez de la créature, l'intimant de dégager de là dans de brefs délais son encolure. ₪ Tu sembles aussi lasse que moi aujourd'hui ₪ Il déposa un regard par dessus son épaule, visionnant la myriade de reflets argentés exposés sur les poutres où étaient suspendues dagues, haches, épées, lances en fer forgé, une véritable collection. Toute une vie d'étalée sur ses pans de mur, un savoir-faire durement acquis dévoilé aux yeux de tous... Et de cette vision, il en ressentait un plaisir malsain, un bien fou flattant son égo.

Et parce que le Calusa se plaisait à être imprévisible, il agrippa à pleine poigne la crinière et se hissa brusquement sur le dos de la bête pour la talonner sèchement, la créature dévalant au grand galop les passages granités du village. Bon cavalier à défaut d'être un guerrier émérite, chaque virage était apprécié, calculé, montrant à coup de reins à sa monture sur quel pied danser. Il était pour ainsi dire arrivé au port lorsqu'il aperçu au loin une silhouette familière, celle de son cousin Asher qui s'évertuait en de grands gestes à le stopper dans sa cavalcade enragée. La jument rua une fois à sa hauteur, claquant des fers lorsqu'elle s'arrêta nette, exhibant les veines saillantes sillonant son poitrail détrempé par la sueur.

₪ Asher.... ₪ Très peu loquace même en présence des siens, Daïgan n'était pas le genre de terrien à parlementer mais plutôt à s'exprimer à l'aide de ses poings. Le cousin s'approcha d'eux mais le forgeron, bien que proche de lui, le stoppa d'un geste de la main, ₪ Je ne m'approcherais pas si j'étais toi ₪ L'œil de la jument complètement dilaté ne laissait présager rien de bon, encore sous l'effet de cette provocante chevauchée. Elle piaffait d'impatience sur place, lâchant des épanchements de salive sur les roches souillées tandis que son cavalier lui tapotait l'encolure histoire de la rassurer.


" Un homme a débarqué chez Katelynn, avec elle. Elle est salement amochée " Le Calusa, sans savoir pourquoi, releva instinctivement la tête en direction du Sud. Là bas à quelques centaines de mètres, sa petite sœur nécessitait des secours. Je vais chercher le guérisseur. Tirant sur les crins, il braqua la jument dans la direction opposée ₪ Inutile, je serais plus rapide ₪ Un autre coup flanqué dans les côtes de la bête et il repartit avec la ferme intention de trouver de l'aide quitte à trainer le premier rebouteux qu'il croiserait. C'est aux portes d'une maison taillée à même la falaise qu'il posa pieds. Trois grands coups du plat de la main sur la porte en bois et une voix féminine se fit entendre à travers . Daïgan ne perdit pas de temps en civilité et se présenta a une femme encapuchonnée avec juste pour demande un ₪ J'ai besoin de ton aide ₪. Sans dire de mot, ils repartirent tous deux, le forgeron aidant la jeune femme d'une main ferme à grimper sur les hanches de sa monture. Le chemin du retour en direction du mas de la cadette se fit en quelques minutes, rythmé aux sons des sabots percutant les pierres et des fioles d'onguents dissimulées à l'arrière dans la gibecière.

Arrivés au foyer de sa sœur, il aperçu quelques gosses curieux tentant de se hisser par les meurtrières et les chassa d'une frappe sur la tête. Puis il hésita un instant sur le seuil, sa paume accolée sur le bois, porté par la crainte de ne savoir ce à quoi il allait devoir faire face. La main de la guérisseuse vint s'appliquer sur la sienne et le réconforta dans sa décision. Ils poussèrent la porte, laissant apparaitre par l'embrasure son imposante stature suivie de la frêle silhouette qui l'accompagnait.